Un peu d'histoire...

SourceForge.net Logo   Le rôle classiquement attribué à l'immunité est de protéger le soi de l'étranger. Le système immunitaire est donc censé se défendre contre les agressions extérieures grâce à des mécanismes qui permettent d'éliminer le non-soi. Or, pour établir un rôle défensif, le système immunitaire doit exhiber des propriétés qui sont typiquement cognitives : la reconnaissance des formes moléculaires étrangères, l'apprentissage de nouvelles formes, la mise en mémoire de ces formes. Ces trois types de processus montrent que le système est un réseau cognitif et pas seulement un mécanisme de défense. On va donc commencer à avoir une approche réseau du système immunitaire.

Les théories instructionnistes :


Les premières théories immunologiques laissaient de côté cet aspect cognitif. Pour eux, le système immunitaire était contrôlé de façon hétéronome, c'est-à-dire, de l'extérieur. C'est ce qu'on a appelé les théories instructionnistes : on imaginait que les antigènes pouvaient jouer le rôle d'instructions pour former leurs propres anticorps les façonnant comme de la "pâte à modeler" pouvant conserver la forme de la configuration apprise. Il y avait ici inexistence de capacités cognitives véritables car on ne parlait pas de véritable apprentissage ni de discrimination explicite entre le soi et le non soi. Or, l'organisme ne doit éliminer que le non-soi. Les immunologistes ont toujours exclu à priori que les anticorps puissent se fixer sur les molécules du soi sans entraîner les conséquences typiques des maladies auto-immunes. Reconnaître le non soi implique qu'il faut reconnaître le soi. La difficulté réside dans le fait que la reconnaissance implique la destruction. La théorie actuelle est donc confrontée à une situation diabolique puisqu'"elle présuppose une comparaison qui permette de distinguer entre structures du soi et structures étrangères, tout en supposant ignorer sa propre existence sous peine d'autodestruction immunologique".

Les théories de l'expansion clonale :


Une autre étape s'attaque aux mêmes problèmes mais conserve la conception hétéronome du système immunitaire : c'est la théorie de l'expansion clonale qui succède à la théorie instructionniste (M.Burnet et N.Jerne 1950). L'idée fondamentale était qu'un répertoire d'anticorps reste en permanence dans le corps. Cette conception, totalement différente de celles des instructionnistes avançait l'idée que la production d'anticorps précède la venue de l'antigène. (unvorstellbar).

Un individu humain possède 1020 anticorps distribués en plus de 109 variétés, chacun d'entre eux ayant un large éventail de possibilités d'attachement chimique.
Jerne : l'antigène peut sélectionner certains anticorps parmi ceux qui étaient présents et en accroître le nombre.

Burnet : chaque lymphocyte ne peut produire qu'un seul type d'anticorps spécifiques d'un antigène.

Le contact entre anticorps et antigènes déclenche une prolifération de cellules de lymphocytes, les clones. Le caractère cognitif apparaît ici et permet de comprendre comment, le système immunitaire répond à qqch de nouveau. Mais il n'explique toujours pas le problème de l'auto tolérance. La théorie de la sélection clonale répond que le répertoire d'anticorps initial n'est pas complet et qu'il manque des clones qui peuvent reconnaître les molécules du soi. La sélection clonale avança l'hypothèse que les clones dirigés contre le soi étaient éliminés au stade embryonnaire. On découvrit cependant par la suite qu'une telle tolérance n'est pas l'apanage exclusif de l'embryon. On peut aussi induire la tolérance chez l'adulte et donc le processus d'apprentissage ne peut être limité à une période temporelle particulière. Il en résulte des questions difficiles à la théorie de la sélection clonale. Si on supprime tous les anticorps qui pourraient éliminer le soi, nous priverions les organismes de la capacité de répondre à un nombre énorme d'antigènes potentiels. Le répertoire n'est donc pas constitués d'anticorps qui reconnaissent le soi et d'autres qui reconnaissent le non soi. La règle un anticorps = un antigène est fausse sans aucun doute.

Le réseau fonctionnerait de manière autonome :


On commence à délaisser le fait que le système immunitaire est géré de façon hétéronome et on adopte une vision de réseau autonome : il est désormais établi qu'il existe dans l'organisme des anticorps capables de reconnaître le soi. Ces anticorps peuvent certes , à des concentrations plus importantes engendrer des maladies auto-immunes mais pas à leur niveau de circulation normale. Mais ce qui est important est que les anticorps qui sont censés effectuer la discrimination soi/ non soi sont eux-mêmes des éléments du soi. Il doit donc exister des anticorps d'anticorps (anticorps anti idiotypiques). Les interactions entre les anticorps signifient que les anticorps circulants et ceux affichés à la surfaces des cellules ne sont pas indépendants mais qu'ils sont étroitement connectés : c'est une organisation en réseau (Jerne 1974,1984). On se rendait ainsi compte que le système pouvait présenter une dynamique propre.

Imaginons qu'un antigène entre dans l'organisme. Avec l'ancienne théorie, l'épitope (E) est reconnu par un certain anticorps qui serait prête à éliminer l'antigène porteur de E. La reconnaissance n'interviendrait qu'entre eux deux.

Avec la nouvelle théorie de réseau, on doit prendre en compte que les anticorps s'attachent aux idiotopes des anticorps antiE . Ces anticorps seront eux mêmes reconnus par d'autres anticorps et ainsi de suite. L'antigène pourra entrer dans le réseau dans la mesure où circule déjà un anticorps de profil moléculaire semblable au sien: une "image interne". L'antigène ne devient qu'une petite perturbation dans le réseau qui a une activité continue. Certes quand on injecte de grandes quantités d'antigènes, la réponse immunitaire ressemble à un réponse hétéronome mais il ne faut pas oublier que dans les conditions normales, nous ne sommes pas sans cesse exposés à de grandes quantités d'un antigène. Tout cela pour montrer que le système est une unité autonome. C'est pourquoi il ne faut pas considérer le système immunitaire comme un système défensif mais comme un système d'auto affirmation capable d'établir une identité moléculaire. Le système immunitaire fondamentalement, ne discrimine pas le soi du non soi (mais sens et non-sens). Comme on l'a dit, le réseau ne peut être perturbé que par de nouveaux antigènes ressemblant à ce qu'il contient déjà. Donc tout antigène qui perturbe le réseau immunitaire est par définition un antigène de l'intérieur et ne fera que modeler la dynamique du réseau. Certes le système est également capable de produire une réponse immunitaire en répondant à une infection . Cela arrivera quand l'antigène entrera trop vite ou en quantité trop importante mais dans la plupart des cas, ces mécanismes sont indépendants des processus de réseau. Or, c'est presque toujours à cette réactivité "immunitaire "réflexe qu'est attachée l'immunologique classique. Il est donc réducteur de dire que le système immunitaire est basé sur un système de défense. C'est pourquoi nous allons nous attacher dans ce projet à l'étude de la régulation du réseau idiotypique.